« Ce jour-là, on m’assit au milieu des fleurs. Ces fleurs que j’appelai plus tard : « Petits oiseaux ». Elles poussent partout dans les champs. Des fleurs sauvages minuscules qui grimpent le long des clôtures, parmi les framboisiers. Elles abondaient autour de la boutique de mon père, de l’autre côté du ruisseau. C’était l’été. Je ne marchais pas encore.
Était-ce mon esprit contemplatif qui figeait mon regard sur les fleurs ? Ces fleurs minuscules se dandinaient à la hauteur de mes yeux. Elles me souriaient. Le soleil transperçait leurs ailes. Je surveillais le moment où elles s’envoleraient. Mais rivées à la tige, elles se balançaient sous la poussée du vent. Elles étaient innombrables. Leurs ailes violettes miroitaient de couleurs sous les rayons du soleil. Entre le pourpre foncé et le violet pâle. Lorsqu’un nuage glissait doucement sur les ailes du vent, le violet se colorait de bleu. Quand le soleil revenait, il y avait dans ce bleu, des teintes de rose et de pourpre qui me fascinaient.
Ce fut mon éveil au monde des couleurs. Lorsque je déplaçais mes jambes rondelettes et maladroites, une odeur d’herbe et de terre me montait aux narines. Senteurs que je n’ai pas oubliées. Dans ce vaste champ de fleurs folâtraient des papillons. Mon regard se posait sur les jaunes. De multiples petits triangles aux ailes de soie jaune se faufilaient entre les fleurs. Le pourpre et le jaune, des couleurs complémentaires. Sur un fond de toile verte. Je ne me lassais pas de les regarder. Un vent doux me flattait le visage. Caressait les fleurs et les herbes au milieu desquelles j’étais assise. Je ne me rappelle pas comment je sortais de cet univers de beauté…»
Extrait de mon Journal: Pages du matin